dimanche 21 octobre 2007

Parce que Guy Môquet vaut bien plus que cela...

Réaction trouvé sur Libération.fr

Merci Henri !

J’attendais avec impatience ce 22 octobre.
Je faisais la liste de toutes les choses intelligentes que je pourrais écrire contre la lecture de la lettre de Guy Môquet. Des trucs vachement bien, affûtés, réfléchis, argumentés, avec références historiographiques et tout et tout. Histoire de relever un peu le niveau général de ce blog.
C’était mûr, je n’avais plus qu’à jeter ça sur l’écran samedi.

Le problème c’est que vendredi j’ai acheté Libé, réalisé par 40 historiens.
Le choc.
De l’argumentation béton, des articles brillants et en pleine page le papier du CVUH que je voulais discrètement pomper.
Tout était dit : l’instrumentalisation politique, le patriotisme rance, la négation de l’histoire, la démagogie cérémonielle, l’insulte aux historiens…
Bref, j’étais renvoyé à ma médiocrité de prof en ZEP qui se la raconte. Libé et les docteurs en histoire m’avaient volé la vedette.
C’était la grosse déprime.

Et puis Henri est arrivé.
Henri Guaino.
Moi, je ne le connaissais pas vraiment. Je savais qu’il est un proche conseiller de Sarkozy et BHL en a dit un mal fou mais j’avais plutôt tendance à m’en prendre au bon dieu plutôt qu’à ses saints.
Son côté je-me-prends-pour-le-Malraux-de-Sarkozy était plutôt rigolo vu que Guaino n’a pas écrit L’espoir et que le discours de Dakar ou la lettre aux éducateurs ne font pas le poids face au discours pour le transfert des cendres de Jean Moulin.
Et je ne parle même pas du fond…

Et puis le voilà, Henri Guaino, qui donne une longue interview sur… la lecture de la lettre de Guy Môquet et s’en prend aux profs qui ne la liront pas.

Un vrai coup de fouet.
Merci Henri ! Ça m’a sorti de la déprime !

Finalement ça vaut peut-être le coup d’en rajouter une couche pour lui expliquer pourquoi, comme professeur d’Histoire-Géo (et éducation civique), je refuse de lire cette lettre le 22 octobre.
Le problème n’est d’ailleurs pas la lettre —émouvante quoiqu’assez décontextualisée— mais l’utilisation qui en est faite et l’interprétation officielle que Sarkozy en donne.

- Je ne suis pas professeur de patriotisme. Je n’expliquerai pas à mes élèves qu’il «faut aimer la France» parce que je ne sais pas ce qu’est la France. Je connais vaguement la République française laïque démocratique et sociale fondée sur des valeurs et des principes dont la mise en œuvre n’est pas spontanée. Pour les faire vivre et surtout les incarner, il faut des mouvements sociaux, des résistances, des oppositions et même des conflits. C’est la politique, quoi ! Je ne pense pas qu’Henri et moi aimions la même France.

- Je suis professeur d’histoire, je vais donc chercher la matière de mes cours dans les documents et les ouvrages d’historiens, pas dans les injonctions présidentielles.
C’est là que j’ai appris que, comme Lucie Aubrac aimait le répéter, la résistance a d’abord été un mouvement de refus presque viscéral, d’insoumission, de la part de quelques individus. Surtout, il y a eu des résistances plutôt qu’une résistance. Il n’est pas sûr que les FTP-MOI dont les survivants n’ont même pas obtenu la naturalisation résistaient par patriotisme... Que dire de Guy Môquet, communiste et fils d’un cheminot (tiens, tiens…) devenu député communiste ? Alors expliquer que la motivation des résistants était le «sacrifice pour la patrie» est une interprétation au mieux simpliste au pire intellectuellement malhonnête.

- Je veux bien être un fonctionnaire obéissant mais ce n’est pas très courtois de nous prendre pour des buses.
La Seconde Guerre mondiale et donc la résistance mais aussi la déportation et la Shoah sont, à juste titre, au cœur des programmes d’histoire, par exemple en Troisième. Au cœur, c’est-à-dire au centre. Ainsi, même le prof le plus à la bourre dans son programme y consacrera du temps, sans parler des nombreux établissements qui participent au concours national de la résistance et de la déportation.
La lecture de la lettre de Guy Môquet n’a donc pas pour objectif de mettre en lumière une période historique méconnue mais simplement de satisfaire une lubie sarkozyenne qui aurait dû rester ce qu’elle était pendant la campagne des présidentielles : un acte de pure triangulation politique.

- N’étant ni préfet ni élu, je n’ai aucune légitimité pour présider des cérémonies consensuelles avec fanfare des gendarmes, salut aux couleurs, minutes de silence et ravivement de la flamme. J’évite aussi de lancer en classe des ovations à la gloire de l’équipe de France, fut-elle de rugby.

- Je suis très attaché à la réussite scolaire de mes élèves. Le brevet des collèges étant leur match d’ouverture à eux, je vais essayer de leur donner toutes les chances de vaincre…

Allez, Vive la France, Vive la République et merci Henri !
Bien à toi.

• Guillaume •

Libération

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